CONTE MEDIEVAL

Il était une fois en des temps reculés de l’époque médiévale, une jeune fille et un troubadour.

Ils s’étaient rencontrés lors d’une grande fête, au cours de laquelle divers artistes prenaient part. Musiciens, poètes, archers, troubadours et trouvères, tous étaient conviés à amuser le noble peuple vivant dans les châteaux de la Loire, comme le voulait la coutume.

La jeune fille et le troubadour s’étaient revus à maintes occasions dans ces réjouissances festives. Ils sentaient bien tous les deux que leur rencontre avait été orchestrée par des énergies célestes et que régnait une aura magique entre eux.

La sensibilité de leur âme les rapprochait malgré les mondes différents dans lesquels ils vivaient.

Peu à peu, ils apprirent à se découvrir, à se connaître, dans leur vie respective, et finirent par se retrouver régulièrement dans les bois, protégés des regards indiscrets. Tous deux étaient bien conscients que les deux peuples ne pouvaient se mélanger mais leur amour fut plus fort que la raison et ils devinrent des amants, unissant leur âme et leur cœur, se faisant la promesse de partir ensemble sillonner les forêts.

Elle, pour lui, était sa muse, et lui, pour elle, était son troubadour des bois.

Rien, ni personne n’aurait pu détruire cet amour si fort qui était né au-delà de toutes leurs espérances.

Plus le temps passait, plus leur amour grandissait, plus leur cœur débordait de joie. Ils avaient envie de chanter cette douce et gracieuse mélodie, pailletée d’or et de lumière.

Mais un jour, l’inévitable arriva. La troupe fut appelée dans d’autres contrées, et devait se préparer à partir.

Ne pouvant concevoir l’idée de se séparer, la jeune fille et le troubadour décidèrent de se retrouver à la veille du départ afin de vivre ensemble et au grand jour leur amour, défiant toutes les lois instaurées jusque là.

La jeune fille était prête à tout quitter pour son troubadour, ne doutant pas un seul instant de son choix. La confiance qui s’était installée dans leur relation ne laissait aucune équivoque à ce sujet. Elle savait que son cœur ne lui mentait pas.  

De son côté, le troubadour ne doutait pas non plus que les sentiments si puissants de la jeune fille lui permettraient d’affronter les conflits et préjugés de sa famille. Il avait totalement confiance en elle et l’attendit comme prévu au pied du vieux chêne.  Elle ne vint jamais…

Désespéré, le cœur brisé, il n’eut d’autre choix que de partir avec sa troupe. Il ne sut jamais la raison de cette absence, mais se jura de ne plus croire à l’amour. Il s’était senti trahi et abandonné par celle qu’il aimait le plus au monde et il savait que personne ne pourrait jamais la remplacer, verrouillant son cœur afin de ne plus souffrir.

Jamais ils ne se revirent, traversant chacun de leur côté, les affres de la séparation et  de toute cette douleur si profondément gravée dans leur cœur.

Ce qu’il n’apprit jamais, c’est que la jeune fille avait tenu parole et croyant à la puissance de son amour, avait défié l’autorité de son père. Mais ce qu’elle ne prévut pas fut la réaction qui s’ensuivit. Son père lui défendit de partir en lui enchaînant les poignets, l’empêchant de le rejoindre. Se retrouvant prisonnière, jamais elle ne put lui expliquer la raison de son absence, et tout comme son troubadour, elle passa le reste de sa vie à l’aimer sans pouvoir jamais le retrouver.

Il est écrit dans notre âme et dans notre mémoire tout ce qui fut inachevé par le passé. Et l’âme ne trouve la paix que lorsqu’elle peut enfin réparer ce qui n’a pu être vécu en transformant le présent ou l’avenir selon nos choix respectifs du moment.

Le fil d’argent invisible, conducteur des mystères de la vie, a permis aujourd’hui à la jeune fille et au troubadour de se retrouver enfin. La jeune fille le sait, l’ayant reconnu par la puissance de son amour pour lui. Amour qui l’a poussée à aller chercher d’où venait la force de ce sentiment, accompagnée de cette certitude depuis le premier jour de l’avoir enfin retrouvé, mais de son côté, le troubadour l’ignore toujours.

Maintenant, la jeune fille est seule juge de ses choix, libre de le rejoindre, n’étant plus retenue, ni par des lois ou préjugés. Elle réalise enfin, pourquoi le chemin qui l’a menée jusqu’à lui a été si long, parsemé de pièges et d’embûches, mais nécessaire pour mettre en lumière les ombres de l’inaccomplissement d’antan. Saura-t-il le comprendre et y reconnaître sa vérité ?

 

 

 

Peut-être était-il décidé dans cette vie-là que la jeune fille devait simplement retrouver son troubadour, méditer avec lui dans les forêts et l’aimer d’un cœur pur, lui laissant toute liberté de choisir quel serait son destin. Partir à nouveau, ou rester et réapprendre à aimer…Et quel que soit le choix de son troubadour, elle ne pourrait que le remercier de sa présence éclairant son chemin.

Se libérant à jamais des chaînes du passé qui la retenait vers lui, et continuant sa route vers son propre destin, une nouvelle page du livre de sa vie pourra commencer à s’écrire, la guidant vers un bonheur futur dans d’autres contrées.

 

 

 

CHAPITRE 2

Dans cette vie

 

Au cours des mois qui suivirent leurs rencontres dans cette vie, la jeune fille sentait que son amour prenait de la puissance pour son troubadour des bois. Mais plus elle essayait de se rapprocher de lui, plus il prenait de la distance. Elle ne savait plus comment agir et surtout elle avait peur de le perdre complètement. N’écoutant que son cœur, elle lui révéla leur amour dans cette autre vie et des circonstances qui les avaient séparés alors. Elle souhaitait qu’il prenne conscience de la confiance qu’il pouvait lui accorder. Elle restait persuadée que s’ils s’étaient retrouvés, la vie leur permettrait d’accomplir leur destinée et de vivre ce qui leur avait été impossible à l’époque. Persuasion d’autant plus accentuée par tous ces signes et les nombreuses coïncidences suivies que lui présentait la vie.

Malgré les réticences de son troubadour, la jeune fille insistait pressentant une ouverture dans le cœur de son bien-aimé au comportement étrange, indécis et ambigu.

 

 

 

 

La joie se dégageant lors de certaines de leurs rencontres la remplissait d’espoir. Surmontant ses peurs et ses préjugés, la jeune fille lui avoua être prête à vivre une relation, avec les risques que cela comportait, connaissant son avis et son comportement face à l’amour. Elle n’en fut que plus perturbée par ses réponses qui ne furent ni positives, ni négatives, lui disant qu’il allait prendre le temps d’y réfléchir.  Pourquoi agissait-il ainsi, la laissant dans le doute et l’expectative d’un semblant de possible ?

La jeune fille était bien consciente que son troubadour n’était pas totalement libre, vivant alors une relation avec une autre jeune fille. Mais elle savait également qu’il n’était pas pleinement heureux, réfléchissant à la suite des événements.

Elle savait qu’elle devait laisser parler son cœur, saisissant cette chance que la vie lui offrait de le retrouver. Il ne sut jamais combien cela lui avait été difficile de se livrer ainsi, dépassant sa fierté et ses peurs du rejet.

Depuis lors, jamais il ne revint sur cette discussion, fuyant toute opportunité de se retrouver seul avec la jeune fille.

Ce qu’il ignorait, c’est que la jeune fille, malgré quelques approches stériles, blessée par son comportement, n’allait plus persister dans ses demandes.

Elle pris alors la décision de se retirer tellement sa souffrance fut vive, ne souhaitant que de pouvoir panser ses blessures et laisser cicatriser cette plaie béante dans son cœur. Elle ne pouvait accepter ce semblant d’amitié qu’il proposait de lui offrir. Pour elle, l’amitié rimait avec spontanéité et contacts et ce que lui démontra son troubadour fut le contraire.

Les semaines qui suivirent ce retrait furent pour la jeune fille difficiles. Se sentant trahie et abandonnée par celui en lequel elle avait mis toute sa confiance, elle commença a ressentir de profondes colères. Plus le temps passait, plus les colères grandissaient. Elle sut soudain que ce qu’elle avait ressenti durant cette absence révélait en elle une blessure bien enfouie de l’époque médiévale.

Lorsqu’elle put enfin laisser sortir ses émotions, elle comprit qu’elle en lui voulait de ne pas être venu la sauver lorsque son père l’avait retenue prisonnière. Cette blessure, profondément inscrite dans son âme, l’avait accompagnée tout au long de ses voyages. Ce sentiment d’abandon, elle le retrouvait maintenant, revivant la même histoire, afin de pouvoir s’en libérer.

La jeune fille comprit alors que personne ne pouvait nous sauver, si ce n’est nous-mêmes. Et elle pris conscience également que cette attente inconsciente avait fait fuir son troubadour, la charge émotionnelle étant trop pesante.

Aujourd’hui, seul son amour reste présent, les colères s’étant transformées en pardon. Elle sait maintenant qu’elle devait se pardonner à elle-même et que cet abandon ressenti n’était que le fait qu’elle ne savait pas s’abandonner à la vie et à elle-même.

MORALITE

 

Comprenant que son troubadour la maintenait prisonnière dans l’illusion, la jeune fille a pu enfin trouver la clé de la liberté

Alors qu’un soir, elle pleurait encore son amour des temps perdus, elle rencontra celui qui devait devenir son compagnon et amour fidèle, la guidant dans la nuit, faisant de sa vie au cœur de l’hiver un oasis en plein désert.

Rien de plus merveilleux n’aurait pu lui arriver. Saisissant ce cadeau que la vie lui offrait après toutes ces souffrances et ces errances, elle sait aujourd’hui que son troubadour lui a permis de se réconcilier avec elle-même.

Seul persiste à ce jour le regret de ne pas avoir pu partager avec lui ce don que leur offraient les dieux, celui-là même d’avoir pu se retrouver.
Ce rendez-vous manqué entre ces deux âmes pourra-t-il un jour être rattrapé ?

La jeune fille ne cherche plus à le savoir, heureuse de vivre, de chanter, et surtout de conjuguer le verbe « Aimer « à tous les temps.

 

Oh, troubadour des temps modernes, je terminerai ce conte par une citation qui j’espère atteindra ton cœur et que puisse ta vie te mener là où se trouve ton destin.

 

Ne dit-on pas que la liberté n’est qu’une sensation ? La liberté n'est pas l'absence d'engagement, mais la capacité de choisir - et de s'engager dans- ce qui nous convient le mieux"

 

 

    

 

 

 

 

 Anne-Marie

Mai/Août 2005/2006